Derrière elle, l'astre naissant dardait ses timides rayons
orangés, la faisant paraître encore plus petite qu'elle ne l'était.
Sur le chemin qui descend de la montagne, Shinsei avançait.
A ses côtés, une mule portait un bagage ficelé de cordes, d'où dépassait un
bric-à-brac sans nom.
Les rênes tenues d'une main dans son dos, le petit vieillard se
frottait sa barbiche alors qu'il descendait en claudiquant.
Vêtu d'un simple kimono et d'un hakama noir remarquablement
conservé, lui.
Il était tôt dans le village, et peu de volets étaient ouverts.
**Mhh, quel accueil ! Bandes de larves, toujours à paresser...
Tu verras qu'ils auront même oublié le vieux Shinsei.
Pfff, 40 ans d'absence, et hop, on sort de la mémoire collective.
Si c'est pas malheureux...**
-Ah Kaïla... soupira-t-il à l'adresse de sa mule.
Ils arrivèrent au centre-ville. Les sabots claquaient sur
les pavés gelés
**lorsque j'étais ici, j'étais l'homme à tout faire,
je vendais des armes que mon ami fabriquait, je tenais un club
de go dans ma boutique, et dans l'arrière salle, j'entraînais
parfois les jeunes à des techniques bien plus difficiles
que ce que demandait l'académie... mhhh, c'était le bon temps**
Il flatte l'encolure de sa mule, arrêtée depuis quelques minutes devant
l'ancienne propriété de sa fille.
**Un musée ! Ils en ont fait un musée! Ben voyons !
Sous prétexte que les gens meurent, ils rasent leur maison
pour faire autre chose...**
-Ahhhhh ... soupire-t-il à nouveau en regardant son équidé de compagnon.
Attend moi là.
Kaïla obéit, alors que nulle herbe à brouter n'est en vue.
Shinsei entra dans le musée, croisa Moloch et Rifta, et après s'être simplement
incliné devant les deux, leva haut la tête pour croiser le regard de son petit fils.
Il ressortit ensuite, sans mot dire, pour se rendre à la périphérie du centre-ville.
Les mains dissimulées dans les manches, il avancait à petits pas, sa mule
le suivant docilement.
**Il a encore grandi. Il a l'air moins bête aussi. Il était temps.**
Arrivé devant une petite bâtisse, Shinseï poussa la porte, qui grinça sur ses gonds.
L'intérieur était assez vaste, et tables et chaises, empilés, étaient cachés sous des draps
poussiéreux.
Les araignées avaient élu domicile dans les moindres recoins de la maison, et des toiles
immenses et diaphanes barraient l'accès à la pièce attenante.
Alors qu'il s'approchait du chambranle, Shinsei baissa légèrement la tête et émis un
bref son, comme un Kiaï étouffé... Ou un toussotement discret.
Il continua d'avancer et la toile se déchira plusieurs dizaines de centimètres avant qu'il ne la touche,
comme emportée par une énergie invisible.
Prenant possession des lieux par un simple:
-« Je suis de retour!» adressé aux murs,
il nettoya les deux pièces avec cet étrange énergie qui émanait de lui.
Décroisant pour la première fois les bras depuis son arrivée,
il ôté les toiles et auetres draps qui recouvrent le mobilier et entreprend de les
mettre dans une large bassine, qui trônait là.
Sortant sur le perron, il siffla doucement. Kaïla fit presque aussitôt son apparition,
mâchonnant un pauvre arbrissaeau qui ne lui avait rien fait.
Avec une force que l'on n'aurait pu deviner dans ce frêle corps, Shinseï prit
son paquetage et l'entraina à l'intérieur.
C'est alors que Moloch fit son apparition, essoufflé, un poing sur les hanches,
et se pliant en deux pour passer la porte.
- "Grand père ! Tu es revenu ! » s'écria-t-il, haletant
Shinseï se retourna, et le gratifia d'un regard qui en disait long sur ce
qu'il pensait des jeunes qui ne font qu'énoncer l'évidence.
- « Bonjour fils. Aide-moi. Lave ça, et enlève l'enseigne dehors.
Une poutre à remettre dans la salle d'à côté, et un écriteau à faire.
Dépêche toi. » lance-t-il d'un ton égal de sa voix sans âge.
Suite à ces émouvantes retrouvailles, Moloch sourit bêtement alors qu'il exécuta de bonne
grâce les tâches que son grand-père lui avait assignées.
Il prit le baquet, l'amèna à la rivière qui charriait de longs morceaux de glace, et
le remplît.
Après s'être coupé la circulation sanguine à force de frotter les draps sales dans cette eau glacée,
il se rendit dans l'arrière salle en se frottant furieusement les mains .
Une poutre encore solide avait été complètement déplacée et menaçait de lâcher,
laissant le toit s'effondrer. Enserrant ladite poutre de ses deux mains, le colosse la soulève
et la remet en place sans presque forcer.
Il retourne dehors en pensant :
**Il y a une cheminée, et il ne va pas s'en servir sous prétexte que le confort amoli,
et que cette ruine est plus confortable que sa grotte... **
Il sourit à cette pensée et pendant qu'il enlevait (ou plutôt arrachait sans y penser
l'ancienne enseigne du forgeron d'une main, il passa la tête par la porte.
**test numéro 1**
-Grand-père, ... tu n'as pas froid ?je peux réparer la porte si tu veux!
-Ce n'est pas parce qu'on dit : "Fermez la porte, il fait froid dehors", qu'il fait moins froid dehors quand la porte est fermée.
**test numéro 2**
- Il y a une cheminée, je peux faire du feu si tu v... »
- Non, non, fils, ma grotte était bien plus froide que cette bicoque.
Pas besoin de tuer des arbres pour moi, je ne suis pas encore gâteux!
Répond le vieux, qui ressemble tout de même plus à un crouton édenté et gâteux qu'à
un ancien Sennin.
Moloch revint dans l'échoppe en souriant pour demander:
-L'écriteau ? Qu'est ce que je marque ?
-Shinsei, La faiblesse de la force est de ne croire qu'à la force.
Si des jeunes comprennent cela, et rentrent, alors ils seront peut-être digne de recevoir mon enseignement.
-Tu vas recommencer à enseigner ? Mais je croyais que tu étais trop vieux pour ça ?
C'est même la raison que tu as invoquée pour m'envoyer à l'académie !
Shinsei sourit et dit :
-Avoir de l'expérience, ce n'est pas avoir vieilli, c'est avoir vu, et l'on voit mieux jeune que vieux.
As-tu regretté d'avoir quitté un vieux fou pour voir d'autres personnes ?
N'as-tu pas fait de rencontres enrichissantes ? N'as-tu pas découvert une partie de ton passé ? »
fait le vieux sans se départir de son sourire en tendant la main vers le totem appuyé
contre un mur.

Moloch réfléchit quelques secondes et s'inclina, comprenant qu'il venait de recevoir une leçon.
- Caligraphie le panneau avec ce que je t'ai dit, puis, tu préparera une affiche.
Mets-y : « demain, ici, KaMu. Participation libre. »
-C'est quoi le KaMu ?
-C'est ce qu'ils se demanderont aussi, et ils viendront. Je pourrais voir les jeunes de ton village.
Parles en autour de toi, c'est un jeu qui pourra être rigolo.
**Rigolo ? Dans sa bouche, ce mot sonne étrangement. Que mijote-t-il?**
se demanda Moloch en fixant la nouvelle enseigne et en collant l'affiche.
-Maintenant fils, je vais installer mon futon.
(Je précise qu'il s'agit de son couchage, pas d'une quelquonque
technique en rapport avec le vent, comme le penseraient
certains...)
Raconte-moi ce qui tu as fait durant tout ce temps, ensuite, si tu n'as pas fini,
j'irai dans le jardin, les plantes ont besoin d'eau. »
Et Moloch de partir dans son récit, en suivant son grand-père
dans ses pérégrinations de la chambre au jardin.
Le vieux l'écoutait sans l'interrompre, alors que le soleil commençait à monter dans le ciel.

Dehors, quelques bûcherons matinaux et autres pêcheurs de pingouins passèrent devant la
maison plus ou moins restaurée.
Ils lurent l'afiiche, et en parlèrent à leur femme et leur rejeton.
Les commères cancanèrent toute la matinée sur l'arrivée d'un vieux dans le village,
qui serait selon certaines, un sorcier de Suna, et selon d'autres, un esprit de la montagne.
L'après-midi, ayant épuisé leur quota de ragots sur le vieil homme dont elle ne savait
rien, elle passèrent naturellement le reste de la journée à déblatérer sur qui serait le plus beau
entre Katshino, Tasuki , et Neiji...