Le carrosse les attendait à l'extérieur. Tiré par quatre chevaux, il était en bois laqué noir avec des reflets rouge. Le cocher leur ouvrit galamment la porte et les shinobi purent découvrir que c'était assez spacieux pour qu'ils puissent tous entrer dedans même si ils étaient un brin serré. Le voyage dura à peine une quinzaine de minutes, le temps d'apprécier le moelleux des coussins et la profonde teinte pourpre de l'intérieur.
Un majordome en livrée complète leur ouvrit la porte du carrosse et leur demanda poliment leurs invitations que Miyu lui tendit en silence. Après y avoir jeté un rapide coup d'oeil et apparemment pas le moins du monde surpris par leur tenue, le majordome les conduisit par delà le portail où attendaient trois calèches chargées de faire la navette. Ils montèrent tous dans l'une d'elle et se couvrirent avec les riches couvertures décorées que l'on avait mis à leur disposition pour le trajet. La nuit était douce mais ils n'étaient pas très habillés...
Ils traversèrent un parc où les haies taillées faisaient echo aux arbres fruitiers et mettaient en valeur les formidables statues qui parsemaient l'extérieur. Représentant des hommes et des femmes voir les deux dans des poses qui les mettaient en valeur ou figurant l'acte amoureux, leur beauté et leur réalisme frisait l'indécence.
La calèche s'arrêta devant une volée de marches que les shinobis passèrent pour se retrouver sur le perron où les attendaient un couple uniquement vêtu d'un voile transparent qui leur couvrait le buste jusqu'aux genoux comme une toge. D'un sourire aimable et d'un geste élégant de la main il les encouragèrent à entrer en leur ouvrant la double porte. Ils foulèrent du pied un épais tapis rouge bordé d'or et un bel éphèbe nu aux muscles déliés les conduisit tout du long jusqu'à une porte gravée d'où filtrait des bribes éparses de musique. Le serviteur poussa d'un geste théâtral la splendide double porte et ce fut comme s'il leur avait ouvert un accès à l'antichambre de l'enfer.
Ce qui frappa d'abord Miyu ce fut l'odeur chargée de sueur, de musc et de folie. Puis le bruit assourdissant, mêlant la cacophonie entrainante de l'orchestre, les mugissement de désir, les gloussements de concupiscence, les hurlements de douleur et les multiples conversations ponctuées de rires pervers. Alors seulement, les images la heurtèrent. Ses yeux écarquillés par l'horreur et le dégout firent le tour de la salle.
Les tenues des invités rivalisaient sur tous les plans de l'obscénité. Quand ils en avaient une sur le dos. On discutait avec naturel autour de groupes forniquant avec force, énergie et bruit. Des individus des deux sexes se promenaient saouls ou non dans la tenue de leur naissance et se faisaient saillir sans autre forme de procès par de parfaits inconnus sans qu'aucune parole ne soit parfois échangée, quelque soit l'âge apparent des deux membres. On s'enduisait à la louche de crème épaisse ou de sauce grasse et la junin vit avec horreur certaines traces de morsures trop profondes pour que ce soit des accidents. Au plafond des hommes et des femmes étaient accrochés de manière experte à des cordes ou à des instruments de torture à une dizaine de mètres des têtes des invités, et au vu du sang suintant des lèvres et des plaies de certains, ce n'était peut être pas de la comédie. Certains hurlaient des encouragements à une paire de combattants se battant nus comme si leur vie en dépendait. Apparemment à raison car l'un d'eux s'écroula finalement à terre. Le sort que leur réserva la foule dépassa toute frontière lorsqu'elle les passa violemment à tabac avant de les jeter dans une cage dont les barreaux très écartés contenaient à peine un quatuor de molosses aux yeux fou aboyant de toute leurs tripes en tentant de mordre les danseurs qui évoluaient autour et sur le toit de leur cage. Le sang, les tripes et les viscères fusèrent rouge et chaud, les hurlements des deux combattants furent couvert par ceux de la foule en délire lorsque le liquide aspergea le visage de certains. L'instant d'après une danseuse remuant sur le toit de la cage hurla en tenant ce qui restait de son pied. Plus loin une femme d'âge respectable aspergeait de son urine le visage d'un jeune homme à peine sorti de l'adolescence que l'on martyrisait à coup de fouet clouté sur un chevalet de torture. Ses hurlements faisaient echo à ceux d'une jeune fille qui venait d'être jetée dans un petit bassin rempli de seringues alors que plus loin un groupe de mâle saillaient les derrières qui étaient les seules parties visibles des individus se trouvant dans des cabines noires. Les rires gras que déclenchaient la fin des ébats et la vision du protagoniste invisible acheva de convaincre Miyu que les clans Kukan, Tsukyo et Sakyuu allaient la poursuivre pour perversion de leur progéniture.
Enfin, son visage s'éclaircit sous l'influence de son sourire dévastateur.
« Dispersion... » murmura t-elle avant d'éclater de rire lorsqu'une phrase de son poète favori fit irruption dans son esprit. Un trait d'esprit qu'elle adressa entre ses dents à la foule entière « … et si je ris de tout en ce monde c'est pour n'en pas pleurer. »
La pièce ne pouvait même pas être appelée ainsi car ses proportions dantesques lui permettaient d'en remontrer à certaines cathédrales que la junin avait visité. Le plafond culminait à une vingtaine de mètres au dessus d'eux et la salle était assez grande pour contenir plus de cinq cent personnes sans forcer. Très vite elle se fondit entre les groupes de déments, espérant que les autres membres de son équipe tiendraient le choc. Surtout les chunin et les genin... Près de l'orchestre elle découvrit une piste de danse où évoluaient des valseurs parfois bien imbibés mais tenant toujours sur leurs deux jambes. Captant le regard de Mangetsu qu'elle n'avait pas perdu de vue, elle fit un signe discret au couple de chunin pour leur indiquer la piste, leur signifiant clairement de rejoindre les danseurs. Cette position leur permettrait non seulement de se fondre dans la masse mais en plus de surveiller tout le côté gauche de la salle.
C'est en se rapprochant des murs qu'elle détailla la décoration et les peintures présentées. Les visions d'horreur et d'abominations qu'elles arboraient valaient bien celles de la salle. Sauf qu'en lieu et place de corps humains vivants il n'y avait que des cadavres, pourris par les champignons et les vers. Certains tableaux montraient des macchabées liés entre eux par leurs membres entremêlés pour former un organe humain. Torse, main, jambe, coeur, tête, oeil... Miyu avança, fascinée par ces peintures dont elle avait peine à croire qu'un esprit sain puisse accoucher. Lorsqu'un mouvement à la périphérie de son champ de vision la fit se retourner brusquement. Oui c'était bien lui, le Dandy aucun doute. Chapeau haut de forme, manteau noir et chemise blanche à jabot. Canne aristocratique à la main et yeux jaune brillant d'une joie malsaine, il avançait d'un pas fluide et conquérant suivi d'une cohorte d'admirateurs au regard lascif et soumis babillant joyeusement. Soi Fon et Mizaki purent le reconnaitre immédiatement comme étant l'homme de la Mayoi qu'ils avaient croisé à Kiri. Il passa près de la piste de danse et se dirigea vers le fond de la salle où la junin repéra une grande toile recouverte d'une pièce de tissu noir juchée sur une estrade.
Certainement le tableau dont avait parlé Soi Fon, Toru et Shiyu. Elle suivit le sillage du Dandy, celui-ci s'arrêta devant la toile dissimulée et se retourna face à la foule grossissant et s'amassant devant lui, formant peu à peu un immonde auditoire. Un peu à droite, un groupe d'homme usait de ce que Miyu avait appelé les cabines noires et au vu de leur mise et de la description qu'elle en avait entendu, elle devina que c'était les dignitaires de Naza s'adonnant à l'horreur euphorisante qu'offrait le Dandy. Ils étaient tous là, elle pouvait avec une quasi certitude identifiait chacun d'eux mais c'est le Duc qui l'intéressait le plus. Elle le dévisagea intensément et se rendit compte qu'il n'avait pas la tête à ce qu'il faisait et s'il était plutôt bon acteur, la mine sombre qu'il affichait quand les regards de ses collègues se détournaient valait tout les discours du monde. Il jouait la comédie et ce qu'il faisait le dégoutait. Au vu du sang qui tachait ses cuisses et son entrejambe ce n'était pas étonnant, sa partenaire était vierge.
« Mes amis ! » cria le Dandy d'une voix amplifiée vraisemblablement par un jutsu. « Je me permet de vous interrompre quelques courts instants pour vous parler de la peinture qui se trouve derrière moi. Approchez vous et écoutez son histoire... »
Alors qu'il parlait, une porte dissimulée s'ouvrit à gauche de l'estrade et Tenshi en sortit accompagné par quatre Lions écarlates.
HRP : Vous pouvez inventer ce que vous voulez et faire ce que vous voulez ou presque et vous vous arrêtez là où s'arrête mon post. Je vous laisse jusqu'à lundi soir minuit. Plongeons ensemble dans l'horreur et les méandres de ce que l'âme humaine peut offrir de plus noir et répugnant. Bienvenue.
