[Pour Setee] "Poor thing" :p

[Wei-chi Komoku]

La nuit avait été longue. Une nuit de plus sans véritable ambition, à regretter tout depuis sa venue au monde, sans toutefois trouver le courage de tout arranger en se donnant la mort. Une nuit de plus à errer dans la ville, qu'autrefois il rêvait de protéger corps et âme. Maintenant, la possibilité de devenir l'un des meilleurs ANBUs que Yuki ait jamais connu était loin, très loin – hors de portée. D'ailleurs, il n'y pensait même plus. Plus rien n'avait, au fond, de sens. Il allait, venait, faisait ses cours – et encore, même pas, on avait dû, cette semaine-là, le remplacer. Les élèves avaient donc eu droit à un cours purement théorique et ennuyeux donné par un inconnu trop sûr de lui.

Pendant ce temps, le chûunin était resté chez lui, assis sur son lit, à contempler un mur aussi blanc que la neige qui tombait à l'extérieur, attendant que le temps passât, seconde après seconde, minute après minute, heure après heure. Il était ailleurs. Il ne pensait plus à rien, et toute volonté avait été annihilée. Seul le manque le ramena, quelques temps plus tard, à la réalité. Il regarda son bocal de médicaments, qui était vide. Il faudrait en racheter. Maintenant. Tout de suite.

Il s'était habillé d'un simple jean, pull à col roulé et de son éternelle veste, et était sorti, sans vraiment craindre le froid, sans aucune arme ou quoique ce fut d'autre qui pouvait prouver son appartenance au monde shinobi – après tout, il était en congé – et surpris que l'administration n'ait pas fait d'histoires pour lui refuser ça. Il s'était ensuite traîné jusqu'au Futura Glacière, où il avait quelques contacts dans la recherche pharmaceutique qui pouvaient lui obtenir ce qu'il demandait pour moins cher que sur le marché, et passé commande. Une fois le précieux bocal obtenu, il s'était gavé jusqu'à en avoir des vertiges, et avait descendu la moitié d'une bouteille de vodka pour tenter de faire passer le mal de tête.

Il s'était alors senti à la fois très mal et merveilleusement bien, et s'était assis pour cinq minutes dans une ruelle, à même le sol, contre un mur. Les gens allaient et venaient sans faire attention à lui – dans ces quartiers, personne ne le connaissait, il n'était ni une légende ni une star locale, et sa famille habitait à l'autre bout de la ville – qui se modernisait et s'élevait de plus en plus dans les hauteurs. Après l'avoir observé dormir comme un clochard à même le sol, une habitante s'inquiéta quand même d'une éventuelle hypothermie et le secoua doucement pour le réveiller. Peut-être venait-elle – au grand dam du chuunin – de lui sauver la vie. Il l'avait remerciée de manière machinale, et s'était relevé, continuant son errance. Il ne voulait pas rentrer chez lui – et en même temps, si. Fantômes et désirs se chamaillaient dans sa tête à lui donner envie de se la trancher pour tout arrêter. Un peu plus loin, il s'arrêta à nouveau, vida sa bouteille cul sec avant de la jeter au sol et s'étala lamentablement de tout son long après avoir trébuché par dessus. Le contact avec la neige froide lui fit reprendre conscience de la réalité, et fut particulièrement désagréable. Il se redressa en remarquant qu'une jeune fille l'observait. Il regarda sa montre et remarqua qu'il était bien tard. Il se leva, epousseta sa veste et se tourna vers elle, l'air de rien, comme si ce qu'il venait de se passer n'avait jamais eu lieu. Il se recoiffa d'un geste de main, et avec un regard inquisiteur demanda d'un ton qui, quand on ne se fiait qu'à son apparence, pouvait paraître méprisant :

« Bonsoir, Mademoiselle Fujiwara... vous ne devriez pas être dehors à cette heure-ci...encore moins seule. »

[Setee Fujiwara]

Si elle était sortie, c'était totalement par hasard. Ou pas. En fait, c'est qu'elle avait été prise d'une furieuse envie de dessiner. Mais dessiner un paysage. Et comme elle avait déjà fait sa maison sous quasiment tous les angles, elle n'avait eu d'autre choix que celui de s'habiller plus ou moins chaudement, et de sortir. Je dis plus ou moins, parce que ce qui, pour elle, consiste à s'habiller chaudement, ferait mourir n'importe qui d'autre, un tant soit peu normal. Surtout à Yuki. Tout particulièrement à Yuki... Enfin bref. Elle était donc sortie, un carnet à dessins dans un sac, et une boite de fusains en poche. Pourquoi la boite à fusains n'était pas dans le sac, avec le carnet, c'était un grand mystère. Et une question à laquelle elle-même n'aurait pas pu répondre.

Elle avait dessiné, dessiné, et dessiné encore. Pendant des heures et des heures. Elle avait vu le soleil se coucher. Elle avait dessiné le soleil se coucher. Elle aurait presque pu faire un album, avec ses dessins. Un à un, le même paysage. Il n'y avait que les couleurs du ciel, qui changeaient. Ça lui plaisait. Ça la détendait. Et même s'il faisait froid, même si ses lèvres étaient gercées, et qu'entre elles naissait un petit nuage de buée à chaque expiration, même si ses doigts étaient gourds, et que la lumière baissait, elle avait continué à dessiner, sans relâche. Finalement, à la nuit tombée, elle s'était décidé à rentrer chez elle. Oh, elle aurait été bien tôt, dans sa maison. Seulement voyez-vous, Setee n'a jamais été pourvue d'un bon sens de l'orientation. Et donc, après s'être perdue plusieurs fois, elle avait finalement regagné Yuki. Mais il était tard. Et elle était morte de faim. Vraiment, vraiment morte de faim.

Cependant, elle s'était autorisé un petit détour, quand elle avait reconnu dans la ville, la silhouette distinctive de Wei-Chi. Ses cheveux blancs, son manteau... Il n'y avait que sa prestance, qui n'avait rien à voir avec ce qu'elle avait pu voir de lui. Etrange... C'est alors qu'elle remarqua la bouteille qu'il tenait à la main. Et qu'il vida cul-sec, juste à ce moment là. Setee écarquilla les yeux. Elle n'en revenait pas. Ca n'avait rien à voir avec le sensei si classe, et tellement choupi-miam, fondi-croustant et débordant de classitude, suant le charisme par tous les pores. Vraiment, vraiment rien à voir. Elle continua à l'observer, en essayant de se faire aussi discrète que possible. Mais quand Wei-Wei - comme elle avait pris l'habitude de le surnommer mentalement - s'étala de tout son long dans la neige, elle ne put s'empêcher de quitter son poste d'observation pour se précipiter auprès de lui. Grillant ainsi sa couverture. Aussi mauvaise eut-elle été. Haha. Evidemment, il la repéra en un rien de temps. Il se redressa, et la fixa, l'air de rien.

Elle se sentit un peu stupide, quand il lui fit remarquer qu'à cette heure tardive, elle ne devrait pas être seule dehors. Et agita un peu bêtement les mains devant elle.

"Oh, mais non, mais... En fait. J'étais partie, par là bas." dit-elle, en désignant un endroit vague, vers l'ouest, plus ou moins. "Et quand j'ai voulu rentrer, je me suis perdue, parce que je savais plus où j'étais. Donc je me suis perdue. Et donc, ben... Je suis là, dehors. Tard." Et ce fut ce moment précisément que choisit son estomac pour se rappeler à elle de façon sonore. "... Et j'ai faim."

Elle ponctua le tout d'un sourire totalement adorable. Une vraie bouille d'ange. A croquer. Ou à violer sur place, c'était selon les mœurs de son interlocuteur.

"Vous avez faim aussi, Weiw... Chi-sensei? Parce que je peux nous faire à manger. Je suis bonne cuisinière. Je me brûle tout le temps, parce que je suis maladroite. Mais ce que je prépare, c'est bon."

[Wei-chi Komoku]

Le regard vitreux du chuunin suivit la direction indiquée par la jeune fille, sans chercher à voir de but précis – il n'y en avait d'ailleurs pas. Ses yeux se posèrent ensuite sur son élève. Il était intrigué, et aurait pu avoir l'air inquiet s'il était en état de s'inquiéter de quelque chose – mais, depuis un moment maintenant, tout lui était égal. Ne risquait-elle pas de prendre froid ainsi ? Perdue... ses instincts reprirent le dessus : elle était sous sa responsabilité après tout, et ce tant qu'elle avait le statut d'étudiante. Il devait donc l'aider. Elle avait faim, soit, il la raccompagnerait chez elle. Mais lui-même n'avait pas vraiment d'appétit. Même après son sourire – qu'il qualifia de charmante. Il avait malheureusement trop perdu le goût des jolies choses pour l'apprécier à sa juste valeur. Seule Kadjin comptait encore – du moins, son souvenir, et la malédiction de son fantôme. Il la sentait là, présente, à les épier...ou pas. Il ne savait plus vraiment quoi penser, maintenant. Il avala un cachet et après une inspiration, décida :

« C'est dangereux pour une fille de se promener seule la nuit, mademoiselle Fujiwara. Vous pourriez tomber sur un pervers. Je vous raccompagne – permettez-moi cependant de décliner votre invitation je...n'ai pas très faim. Mais c'est gentil de votre part. »

Son air avait beau être misérable il semblait tout à fait lucide lorsqu'il parlait. Du moins, il était cohérent. Il commençait à tenir l'alcool de mieux en mieux – bientôt lui faudrait-il trouver autre chose pour se mettre minable facilement. Il avait mal au crâne, mais le devoir passait avant la santé – devoir qui était sans aucun doute la seule chose qui pouvait encore le tirer de sa résignation. Il la toisa de haut en bas... elle se disait maladroite.

« Il est déconseillé d'être maladroit lorsque l'on fait partie du monde shinobi, mademoiselle Fujiwara. Ca peut vite devenir dangereux – mais nous verrons ceci une prochaine fois. Dites-moi de quel quartier vous venez et je vous y ramènerai – je connais la ville par coeur.. »

Une petite toux ponctua la fin de sa phrase. Il balança sa bouteille dans une poubelle – il était partisan d'une « ville propre ». Il ne semblait pas pressé. Juste fatigué, terriblement fatigué.

[Setee Fujiwara]

Il lui sembla beaucoup plus lucide, d'un coup. Pourtant le flot de paroles sous lequel elle l'avait noyé en aurait assommé plus d'un. Alcool dans le sang ou pas. Il avait donc du mérite. Beaucoup de mérite. Elle l'écouta sagement, le temps de son court sermon. Elle savait bien qu'il ne fallait pas se promener seule, tard, le soir. Seulement, elle s'était perdue ! Elle n'y pouvait rien, quand même, non? Ca n'était pas de sa faute si la Nature l'avait dotée d'un sens de l'équilibre douteux, d'une maladresse maladive, et d'un sens de l'orientation avoisinant les négatifs. ... Bon. Pour combler ces lacunes là, la même Nature avait été plutôt généreuse côté physique. Tant mieux. Il lui fallait des atouts, quand même, à cette pauvre fille!

Laquelle pauvre fille fit la moue, quand Weiwei déclina son invitation à manger. Tant pis, songea-t-elle. Ca serait pour une autre fois. Après tout, elle savait se montrer persistante. Têtue, même. Et paradoxalement, il lui arrivait de se lasser des choses à une vitesse incroyable. Comme l'autre fois, en cours... Avec le prof, là. Tout laid, et tout aigri.

Toujours avec une moue adorable, elle indiqua à Wei-Chi de quel quartier elle venait, et le laissa la ramener là bas. Elle était bien, à marcher ainsi, à côté de lui. Elle l'aimait vraiment bien, Weiwei. Même si elle ne saurait expliquer pourquoi. C'était comme ça, un point c'est tout. Et en chemin, ses pensées revinrent sur le cours qu'il leur avait donné. Qui avait été tellement intéressant, et passionnant. Immanquablement, elle se souvint ensuite du cours donné par Vilain-et-Moche. Elle réprima un frisson de dégoût, en se souvenant de sa vieille tête toute laide. Et puis ouvrit la bouche, pour parler.

"Vous savez, vos cours sont vraiment plus intéressants que ceux de... euh. Je sais pas quel est son nom, à votre remplaçant. Je comprenais, avec vous. Même si j'arrivais pas toujours. Lui, il nous a fait des questions, auxquelles je comprenais rien du tout. Alors j'ai écrit n'importe quoi. Vous pensez que je peux quand même réussir? Je voudrais pas tout rater à cause de ça..."

Et la pauvre, elle avait vraiment l'air tout paniqué, à l'idée de rater, ou d'être en échec. Ou que l'on pense d'elle qu'elle était stupide. Ce qui n'aurait pas été totalement à côté de la plaque entre nous.

[Wei-chi Komoku]

Elle lui indiqua. C'était à une bonne vingtaine de minutes de marche. Pas loin de chez lui, qui plus était. Pas à côté non plus, parce qu'il habitait du côté des riches – merci à la famille Eto (ndlr : les parents de Kadjin qui ont payé la grande et belle maison.)
Intrigué, Weï-chi tourna la tête vers elle. Il fronça les sourcils.
« Quel genre de questions ? »
Il se demanda aussi qui avait bien pu être son remplaçant, et pour quelles raisons la jeune fille avait l'air si paniqué. Il marchait lentement, dans ses pensées, mais son pas se voulait assuré – bien sûr, l'alcool et les médicaments empêchaient cette volonté de se réaliser, et, plusieurs fois, il dut se retenir à un poteau ou à un mur pour ne pas, une fois de plus, s'étaler.
« Je veux dire, ce cours est un cours basé sur la pratique, je ne vois pas ce que l'écrit vient faire là-dedans... mais je ne suis pas vraiment au courant, pour être honnête... vous finirez bien par vous habituer. Enfin, vous me voyez ravi d'apprendre que vous trouviez mes cours interessants. Ca me fait plaisir de l'entendre.»

Son ton trahissait son intention de ne pas revenir avant longtemps. C'était plus fort que lui, il n'avait pas le courage de se tenir face à une classe entière – peu importe le nombre – il ne se sentait pas d'enseigner à des jeunes quelque chose qu'il avait l'impression de ne pas connaître lui-même. Sa mémoire lui jouait, parfois, des tours. Les effets du délicieux cocktail d'alcool et de médicaments.
Elle trouvait ses cours intéressants. Il espéra tout de même ne pas se retrouver avec une fanatique à l'échelle de Primura. une suffisait. Mais il se faisait des idées. Ce n'était que de l'intérêt. Setee n'avait pas (encore) essayé de l'embrasser. C'était juste un compliment normal et sans arrières pensées - qui lui mit un peu de baume au coeur à l'heure où il avait l'impression d'échouer dans tout ce qu'il entreprenait - le peu qu'il entreprenait.

Il s'arrêta en même temps qu'il avait parlé. Ils étaient arrivés. Il s'appuya au mur, comme un sportif exténué après un effort – cependant il ne haletait pas, il respirait normalement – son souffle cependant trahissait la quantité d'alcool ingurgitée.

« Nous y sommes. »

Il était temps pour la jeune fille de rentrer chez elle. Il était cependant visible que lui-même n'était pas pressé de faire de même. Il préférait éviter d'entrer dans sa maison de nuit – elle était sans aucun doute hantée. Le moindre craquement le faisait tressaillir, le moindre courant d'air le glaçait jusqu'au sang. Les murs blancs et lumineux le jour devenaient noirs et inquiétants la nuit, tout se transformait. Les cernes sous ses yeux indiquaient qu'il n'avait pas dormi depuis longtemps. De temps en temps, le matin, lorsque le Soleil se levait enfin, chaud et rassurant, et que les somnifères faisaient effet. Mais ça se limitait à ça.

[Setee Fujiwara]

Quand il tourna la tête vers elle, pour lui demander quel genre de questions Laid-et-Re-Laid avait posé, elle tourna aussi la tête vers lui. Et leurs regards se croisèrent. Une autre aurait pu rougir, et détourner les yeux en bafouillant. Oui. Mais pas Setee. Même si ça lui irait bien aussi. Non. Elle lui sourit, tranquillement. Même si elle était tracassée par son futur échec.

"Beeen. Des questions du genre, euh... L'évolution des taos, un truc sur l'hérédité, une chanson, d'ailleurs j'ai pas compris le rapport avec le cours, et ensuite, fallait parler de Yuki. Je crois que c'est tout..."

Elle plissa les yeux, et reporta son attention sur sa marche, au lieu de continuer à se rincer l'oeil en mattant Weiwei, sans même prendre la peine de rester discrète. Enfin. C'était discret, vu qu'ils étaient en train de discuter. C'était donc plutôt normal qu'elle le regarde. Elle réfléchit, pour s'assurer que oui, c'était bien tout. Et du coup, rata la plupart des choses que dit Wei-Chi par la suite. En revanche, et comme ça m'arrange, elle ne zappa pas du tout le passage où il lui dit que ça lui faisait plaisir qu'elle trouve ses cours intéressants. Et si elle remarqua que dans sa façon de parler, il semblait qu'il n'avait pas l'intention de revenir avant un moment, elle n'en laissa rien paraître.

"... Disons que vous nous faites comprendre les choses. Je sais pas trop comment vous faites. Je suppose que vous êtes juste plus fin pédagogue. Et puis..." Elle haussa les épaules. "Ca passe juste mieux, avec vous."

Et oui. Des fois, Setee aussi pouvait faire des phrases construites, sensées, normales, et sans intercaler des "eeeuh" des "ouais" et autres plombeurs de conversations. Pour une fois, elle semblait faire son âge, et ne faisait pas gamine un peu délurée. Et ça la changeait du tout au tout. Même son sourire, semblait différent. Moins niais. Plus assuré. Et peut-être...? Non, ça devait juste être un tour de la lumière. Pas charmeur. Mais si, en fait. Juste un peu.

Elle marchait à ses côtés. Toute sage, heureuse de pouvoir passer du temps avec lui, comme ça. Elle se sentait un peu privilégiée, quelque part. Du coup, elle profita de chaque instant. Elle marchait tranquillement, l'attendait quand il s'arrêtait pour reprendre son équilibre. Et bien qu'elle ne le montât pas, elle était inquiète pour son professeur. Il avait vraiment l'air malheureux. Et bien mal en point. C'était d'ailleurs pour ça, aussi, qu'elle lui avait tout d'abord proposé de manger. Histoire d'éponger un peu l'alcool... Mais il avait refusé.

Ils arrivèrent trop vite, à son goût. Bien trop vite. Il lui fallait réfléchir à toute vitesse - SI, ELLE PEUT - pour trouver un moyen de retenir encore un peu Wei-Chi. Pour l'occuper. Pour garder ses pensées tournées vers autre chose, que ce qui l'avait poussé à se mettre dans cet état. A abandonner ses cours et ses élèves. Ce qui le rongeait de l'intérieur. Elle se mordilla la lèvre. Et hésita. Ca ferait un peu direct, de l'inviter comme ça, non? Mais bon. Tant pis. Tant qu'à faire.

"Vous voulez entrer un moment? Il devrait faire meilleur que dehors." Plus de traces de gamineries, là. Elle avait l'air sérieuse. Un léger sourire, chaleureux, ornait simplement ses lèvres. Et pas de trace d'admiration béate non plus. "Comme ça, vous pourrez m'expliquer les différents Taos. Pour que je ne me trompe plus..."

Ben oui. Tous les moyens sont bons.

[Wei-chi Komoku]

"ça passe juste mieux, avec vous."

Cette phrase lui mit un peu de baume au coeur. Il ne réagit cependant pas, donnant toujours l'impression d'être loin, bien loin de la réalité. Il venait de vivre pas mal d'émotions, qui n'avaient pas vraiment arrangé son état. L'administration ne cessait de le regarder de haut - sans compter le kage qui passait son temps à lui faire comprendre, lors de leurs rares entrevues, qu'il ne remplissait pas de manière suffisante ses fonctions, et, ajouté à la mélancolie qui s'était emparée de lui, et dont, il fallait bien l'avouer, il n'avait plus aucune envie de sortir, parce qu'il était bien avec, "No, let me cry in ze dark!", le tout n'était pas pour le rendre très heureux de vivre. La jeune fille l'intriguait. Elle ne semblait pas aussi sotte que la première fois qu'il l'avait eue en cours. tout aussi intéressante, cependant. Ne nous méprenons pas; par intéressante, entendons dans le sens où, elle n'était pas de ces êtres sur qui il suffisait de jeter un regard pour tout savoir de leur vie. Non. Elle avait plusieurs facettes - et c'était tant mieux. Elle était calme et silencieuse, pas du genre bavarde, c'était encore plus appréciable. Weï-chi à ses côtés ne se sentait pas menacé. Alors il avait ralenti -inconsciemment- le pas, pour lui permettre de suivre sans qu'elle se retrouvât loin derrière.

Appuyé au mur après un léger déséquilibre dû à un petit vertige - depuis la mort de Kadjin cela lui arrivait souvent - il fallait dire que c'était depuis lors qu'il s'était mis à boire - qu'il guérit d'un comprimé discret. Du moins était-ce ce qu'il pensait, car il était loin de se douter de la nature de ses troubles de l'équilibre, loin de se douter que ses vertiges n'avaient rien à voir avec une maladie guérissable par des comprimés. IL pose son regard sur elle, un peu hébété. Il a mis du temps à comprendre. Plus qu'un chuunin n'aurait dû, un shinobi se devant d'être rapide à analyser une situation. Elle lui proposait d'entrer chez elle. Mieux, elle lui proposait en souriant. Peut-être eût-il refusé, si cela était venu de Primura. Sûrement, même. Car il savait - et il le regrettait - que la jeune genin attendait, secrètement, autre chose. Qu'il ne pouvait lui donner.

Mais elle, Setee, l'étudiante, il ne la connaissait pas beaucoup, elle n'avait jamais essayé de l'embrassé ou cherché à le persuader de quoi que ce fût de manière insistante. Elle lui proposait juste d'entrer...pour lui expliquer un cours. Les taos.

Le chuunin se passa une main sur le visage. Quelle heure était-il ? Bien tard. Et elle voulait réviser, à cette heure-ci ? Bien sûr, c'était l'occasion pour elle de le voir. Il réfléchit un instant. Un peu plus longtemps que la normale. Mais on n'était pas en temps normal. En temps normal, il lui aurait dit d'aller se coucher et de venir chez lui le lendemain matin pour un cours particulier. Mais, il avait l'esprit un peu embrouillé, et beaucoup de mécanismes de pensée ne fonctionnaient plus très bien. Ca passait par un neurone, ça ressortait par l'autre. En plus, l'excuse du dérangement des parents ne fonctionnerait pas - pour avoir jeté un oeil à son dossier, il savait qu'elle vivait seule. "Soit. ... Il est un peu tard, j'essaierai de faire court. Je vous suis, mademoiselle Fujiwara. "

Il tenta un sourire qui suscita un baillement - au moins avait-il conservé quelques réflexes tel que celui de mettre sa main devant sa bouche. En regardant vers la porte d'entrée, il fronça les sourcils. Instinctivement, il porta la main à son épée. Sauf que, l'épée, il ne l'avait pas avec lui. Sa main se referma sur le goulot de la bouteille qu'il avait fixée à sa ceinture.
"Mademoiselle Fujiwara...ne me dites pas que vous étiez dehors tout ce temps....Sans avoir fermé votre porte d'entrée ?"
La porte qui baillait, entrouverte, acheva de le convaincre d'entrer, au cas où quelqu'un était venu à s'introduire à l'intérieur.
Il eut le sentiment étrange que, si cet oubli venait de setee... alors il aurait encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses à lui apprendre, lui, le chuunin paranoïaque qui vivait dans une véritable forteresse truffée de passages secrets plus difficiles à dénicher les uns que les autres. Qui avait trois verrous à sa porte d'entrée, que chaque fois il refermait à double tour.

[Setee Fujiwara]

Setee s'était demandé, un court instant, si elle n'y était pas allée un peu fort. Parce qu'après tout, c'était un peu culotté de la part d'une élève comme elle d'inviter son professeur chez elle. Surtout alors qu'elle ne le connaissait qu'à peine. Ça n'était pas qu'elle craigne qu'il puisse abuser d'elle. Noooon. Déjà, c'était pas le style de Weiwei. Et en plus, elle se laisserait abuser par lui bien volontiers. Et lui demanderait même certainement de remettre ça, en plus! Non. Ce qu'elle craignait, c'était qu'il refuse. Ce qui n'eut pas été surprenant. Elle l'avait vu hésiter. Se passer la main sur le visage. "Mais non!" lui criait-elle de toute son âme. Oui. Il n'est jamais trop tard pour s'essayer à la télépathie, Setee en était convaincue.

Elle essayait de le convaincre de venir. Lui promit mentalement que non, elle n'allait pas le violer, qu'elle garderait ses mains pour elle. Pas de tripotage intempestif, promis juré craché. Elle allait simplement lui faire une tisane. Elle se prendrait un café. Quoi que c'était peut-être pas recommandé. Déjà en temps normal, elle avait du mal à s'endormir, alors avec de la caféine dans le système en plus, je vous laisse imaginer les dégâts. Non. Elle allait lui offrir une tisane, se prendre une boisson quelconque, mais pas une tisane, ça la faisait faire pipi toute la nuit. Erm. Et donc, il allait lui expliquer les taos. Elle serait sage et écouterait attentivement. Parce que lui, au moins, il était intelligent. Intéressant. Classe. Beau. Bougrement charismatique, et... ahem. Bref. Tout ça.

Elle retint un petit bondissement de joie, fangirl-like, quand il accepta. Et se contenta de lui sourire un peu plus. Lui-même tenta un sourire, mais qui fut bien vite remplacé par un bâillement. Ah. Il mettait sa main devant sa bouche. C'était bien. Non mais à quoi pensait-elle? Des fois, elle se faisait peur toute seule. Un peu. Et puis, sans qu'elle ne dise rien, ou ne fasse rien de répréhensible, elle le vit froncer les sourcils. Non! Il ne fallait pas qu'il change d'avis! Elle le regarda porter la main là où il avait habituellement son épée, mais ses doigts ne rencontrèrent que la bouteille. Que Setee dévisagea d'un air réprobateur. Vilaine bouteille. Oser mettre le grand, le magnifique, le merveilleux... ahem. Oser mettre Weiwei-choupinou dans cet état. Tsk tsk.

Et puis Weiwei parla. Une histoire de porte d'entrée ouverte. Elle releva ses yeux couleur menthe à l'eau vers lui. Puis se tourna vers la porte. Et constata qu'effectivement, la porte était restée largement ouverte. Elle plaqua une main sur ses lèvres, confuse.

"Oups! J'étais tellement pressée d'aller dessiner que j'ai dû oublier de la refermer. Suis-je sotte."

Elle cligna plusieurs fois des yeux, quand elle le vit entrer tout prudemment. Ben quoi? Elle pensait qu'elle avait mis des pièges dans sa maison ou quoi? Il était un peu bizarre, quand même.

"Euh... J'ai pas mis des pièges chez moi, hein. Vous pouvez entrer tranquille."

Et en bonne bourrine, elle le dépassa, retira ses bottes à poils avec grâce et délicatesse, avant de les envoyer valser contre un mur. Rebondir contre ledit mur, et faire tomber une boite en fer pleine de crayons au sol. Ben. Si quelqu'un avait profité de l'absence de la maîtresse des lieux pour entrer, il était maintenant au courant que celle-ci était de retour.

"Oups." Dit-elle avec philosphie en allant ramasser les crayons. Une fois sa tâche accomplie, elle se tourna vers lui, jeta sa veste à poils verts sur le canapé. Et adresse à son professeur un sourire rayonnant. "Je nous sers quelque chose à boire?" n.n

[Wei-chi Komoku]

"Ca ira merci. Inutile de perdre davantage de temps. Par contre je veux bien une feuille et un crayon."

Il se demandait où il avait bien pu tomber. Elle cachait bien son jeu - une vraie sauvage, pauvres chaussures. Heureusement, il n'y avait personne à la maison. Ils étaient seuls. Pas de voleur. Tant mieux.
Il la laissa tout chercher, pendant ce temps, il admirait (ou plutôt contemplait d'un air ahuri) le mobilier. Et puis le sommeil le prit, s'asseoir au chaud comme ça fut fatal à sa forme. Il lutta quelques instants mais, quand Setee revint, il dormait déjà. Les taos, ce serait pour une autre fois.

[Setee Fujiwara]

Elle ne put empêcher un sourire attendri d'étirer ses lèvres quand elle le vit tout assoupi, alors qu'elle revenait avec des crayons taillés par ses soins, et des feuilles de papier. Non. Elle n'allait pas le réveiller. Elle allait le laisser dormir. Il avait l'air d'en avoir besoin. Elle posa délicatement les crayons et le papier sur la table basse du salon. Et puis récupéra une couverture, qui égayait son canapé. Avec douceur, elle la drapa sur les épaules de Wei-Chi, éteignit la lumière. Et monta se coucher.