Voletant au gré du vent, les feuilles lancées par le jeune shinobi faisaient office d’admirable ballet aérien aux trajectoires incertaines. Ryo, les yeux rivés sur celles-ci, le poignet tendu et endolori, entreprit d’impressionner Honô en améliorant son taux de précision. Pour cela, il avait littéralement bandé son arme dans la paume de sa main. Il ne pouvait ainsi, pas lâcher jusqu’à ce que la dernière feuille n’atteigne le sol.
Or, l’extrême douleur tiraillait ses muscles, crispant l’avant-bras avec une pression écrasante. Il tenta de faire abstraction de l’affligeante épreuve, et, entama la première rotation du poignet. Le geste était lourd et alangui. Intraitable, il insista encore et encore. Chacun des mouvements de lame devenant de plus en plus douloureux. C’était son chemin de croix, et il comptait bien l’abattre, à la force de son caractère.
Bientôt, le verdict tomba. Une sentence immédiate et irrévocable, appuyé sur des preuves formelles. Avant même de compter le résultat, l’accusé fixa son juge, Honô. Puis ses yeux se déportèrent vers le lieu du crime. Cinq cadavres. Dans une série noire, Ryo aurait fait office de serial-killer, mais pas là. Il le savait, sa sanction serait sévère. Une condamnation punitive l’attendait des lèvres immatérielles du Wakizashi.
* Toujours aussi misérable comme résultat. Cela dit, tu es tenace Hazuki junior. J’aime bien ce côté accrocheur. Cependant, il t’en faudra plus pour m’impressionner…et pour arriver à la cheville de ton père. *
Sa voix volcanique réchauffant l’atmosphère, avait pour but d’enflammer le shinobi. C’était toujours délicat pour un enfant, et surtout un fils, de se détacher de l’image d’un père. Qui plus est, d’un père reconnu. Pour cela, il fallait de la maturité et un certain retrait. Ne plus concevoir l’être comme l’incarnation de la perfection, ou encore un exemple. Et cela, Ryo commençait à le sentir en lui.
« Tu peux continuer de t’acharner sur moi, tu peux insister encore et encore. Mais sache-le, une fois pour toute, je ne serais jamais mon père. J’ai choisi une voie différente. Moi, je deviendrais encore plus fort que lui, grâce à ses erreurs du passé. Je suis un Hazuki. Mais pas Genzo. Je suis Ryo. N’oublis jamais ça, dans mon monde, le mot renoncer a été châtié. Ainsi, comme tu le vois, je ne suis peut être pas un ninja surdoué. Mais mon opiniâtreté sans faille me permettra de me hisser en haut de ce sommet qui paraît infranchissable pour un avorton de mon espèce. Je veux que plus tard, les gens disent de moi : « C’était un simple shinobi, mais un génie de l’effort », et là, je serais fier de ma vie. »
La tirade du Chûnin laissa un blanc dans l’air. Comme si la nature c’était un instant tut avec respect et reconnaissance. Le garçon semblait paisible lui aussi. Vidé de ses derniers démons ; expié. Il se sentait désormais en harmonie avec lui-même, séraphique. Comme si tout le poids des années, de son passé s’étaient évaporés en un instant. Puis, un léger souffle s’éleva, caressant son visage, faisant flotter ses mèches de cheveux boisés. Boufuu parla.
* Arrêtons pour aujourd’hui. Ta bonne volonté ne servira à rien, si ton corps ne suit pas. Tu as eu une journée éprouvante physiquement. Tes entraînement à la manipulation de l’exasphère ton vidé. Garçon…*
« Oui ?! »
* Ne confond pas, détermination et acharnement. *
Ryo fit un léger signe de la tête, de façon approbatrice, avant que les deux lames ne s’endorment à nouveau. De nouveau seul, il se tourna vers la pension Ozhora. La contemplant d’un œil déjà envieux de la quitter d’ici peu. Elle n’était plus celle qu’il avait connu en arrivant pour la première fois au sein de Makyou no Kuni, celle qui l’avait vu grandir à l’académie, celle qui avait abritait un bref instant plusieurs étudiants dont Kojiro Wakazaki et Sephiro Reitaco, celle qu’avait construit Monsieur Ozhora ; mais elle restait un symbole, reconstruite quasiment à l’identique grâce à l’amour que le jeune ninja lui portait. Mais ce soir, depuis longtemps, pénétrer dans cette demeure aurait une saveur particulière. Malgré sa nouvelle jeunesse, la pension semblait morte. Le décès de deux anciens pensionnaires dont le patron, et la convalescence de sa femme pour une durée indéterminée semblait l’attrister. Dans quelques heures, lorsque le shinobi quitterait les terres yukiennes pour la mission de recherche de Primura, celle-ci deviendrait une orpheline juvénile. Abandonnée. Plus rien ne serait comme avant…tel était la dure et triste réalité de ce monde.
Ainsi, pour la première fois, le jeune homme s’installa dans le salon pour se reposer et prier. Mais surtout, profiter de ces derniers instants dans cette demeure familiale. Peut être les derniers de sa vie s’il venait à mourir au combat. Ainsi, il voulait en savourer chaque instant, combattant le sommeil. Résistant aux appels d’Orphée, résistants aux sirènes de la nuit. Sa vue se flouta peu à peu, jusqu’à l’emporter, le regard fixé sur la flamme dansante de la cheminée…
NOIR…
***
Le lendemain matin
Pas un seul nuage, pas même un léger voile ne ternissait les cieux d’un bleu profond et pur. L’air, empli du ramage des oiseaux qui volaient au dessus du toit de la pension « Ozhora », berçait les frondaisons d’une brise encore fraîche. L’astre dans le ciel, majestueux, s’élevait lentement, scintillant à travers les feuillages qui flamboyaient. La vive chaleur de ses rayons traversant les fenêtres de la pension, réveillèrent doucement le garçon. Il était déjà temps d’émerger. La journée serait longue et éprouvante, encore une fois. Ryo dans un grand bâillement, s’étira de part en part, encore affalé sur le grand divan du salon. S’étant endormi ainsi la veille. Puis, d’un bond, il se releva prêt à en découdre. Mais avant ça, un copieux petit déjeuner l’attendait, ainsi qu’une toilette revitalisante.
Lorsqu’il fut prêt, il se connecta avec les deux lames afin de reprendre l’entraînement de la veille, les réveillant par la même occasion. L’exercice restait pour le moment inchangé du fait de ses précédents résultats prosaïques. Il s’échauffa avec sérieux, afin de dégourdir ses articulations, avant d’être fin apte à l’emploi. Mais, la première des choses, pour éviter de saccager une nouvelle branche du chêne, fut de ramasser les feuilles intactes restées au sol. Le Chunin les recueilli une à une dans ses mains, plongeant celle-ci dans le froid neigeux de bon matin.
Bientôt, il eut une assez conséquente poignée pour s’élancer dans le travail. Il empoigna alors Boufuu de sa main droite, tandis qu’Honô planté au sol restait silencieux. Puis, il dressa son bras à l’horizontale devant lui. La lame perpendiculaire et droite, coupant quasiment son corps en deux. Il la fixait d’un œil déterminé et décidé. Aujourd’hui, il ferait mieux. Aujourd’hui, il franchirait une étape dans le maniement des lames. Quelque soit le temps nécessaire pour cela.
Puis, il fit un premier mouvement de poignet dans le vide, afin de tester la résistance de son avant-bras. Il voulait voir s’il avait suffisamment récupéré. La réponse lui plu. Il était opérationnel malgré quelques tiraillements négligeables. Souriant, il largua la flopée verte en l’air. Ses yeux analysèrent les courbes avec réflexion. Frapper les feuilles les plus basses dans l’atmosphère, en jouant sur le temps de descente plus longue des autres. Alors, une première rotation vigoureuse et fulgurante imprégna sa course. La feuille se découpa précisément en deux parties distinctes se séparant. L’imperceptible tourbillon créé, souleva certaines vers le haut et éloigna d’autres sur les angles. Ryo restait concentré. Inutile de tenter de frapper celles qui avaient déviées leurs trajectoires sur les ailes. Son regard était figé sur la masse voletante, cherchant la prochaine cible. Mais, plus le temps s’écoulait, et plus l’amas de feuilles se rapprochait du sol. L’analyse et le mouvement devait être véloce. Soudain, il eut choisit la deuxième cible, puis la troisième. Et, le ballet s’enchaîna de façon coordonnée. La lame, tranchait l’air de façon itératif, en continue jusqu’à la dernière. Shlash ! cria la lame en la morcelant. Le Chunin n’eut pas besoin de vérifier les demi-cadavres de feuilles pour comptabiliser son premier essai. Il l’avait fait au fur et à mesure. Et, aussitôt, il se déporta en direction d’Honô. Il attendait sa réflexion. Mais rien. Aucune parole. Rien. Pas une seule remarque désobligeante, mais pas non plus de félicitation. De toute manière, il n’en attendait pas pour si peu. Finalement, ce fut le katana qui prit la parole.
* Pour le premier essai du jour, on va dire que c’est un bon début, cinq feuilles. Mais je pense que tu peux largement faire mieux, qu’égaler ton score d’hier. Recommençons.*
L’Hazuki prit quelques minutes de repos, histoire de laisser souffler ses muscles mit à rude épreuves, avant d’entamer un deuxième essai. Le bras mis sous pression suite aux exercices d’échauffement, puis au premier essai, s’avérait cette fois-ci à son paroxysme. Une sorte de deuxième souffle musculaire. Les feuilles volèrent dans la foulée, et, le spectacle pu commencer. Shlash, shlash, shlash ! Le bruit sourd des taillades ronflait dans le jardin. Le garçon, motivé, frappait avec encore plus de vivacité que précédemment. Le résultat fut probant. Sept feuilles furent déchiquetées littéralement. Une amélioration, au prix d’effort insoutenable. Tellement fort que le jeune shinobi conjura une pause. Honô décida d’entrer en scène.
* Deux modestes essais et déjà une pause…bravo génie de l’abnégation. *
* Ne fais pas attention à lui. Il est sévère, mais c’est pour ton bien. Pause accordée.*
Il regarda sa lame, levant le menton. Ou comment se dispenser de mots pour dire « ça va, j’ai compris. ». Mais les gens ont souvent tendance à interpréter les signes. La communication non-verbale deviendrait avec le temps un domaine que le ninja maîtriserait. Subséquemment, il s’éloigna vers l’intérieur de la pension. Là, il se servit un bon jus de fruit pressé histoire de reprendre un peu d’énergie. La tête remplie par les dernières paroles du Wakizashi. Il n’avait pas tord. Pourquoi déjà fuir le combat. Si tôt.
Dix minutes s’écoulèrent avant qu’il ne réapparaisse. Ultra motivé. Plus que jamais. Au passage, se tournant vers Honô, le Chûnin le remercia. Il le remercia pour ce qu’il était au final. Un instructeur sévère, mais juste. Puis, il se remit au travail. Recommençant l’exercice encore, encore, encore. Par moment, il s’améliorait, laissant présager un futur plus radieux vers la réussite ; alors que l’essai d’après, une régression se manifestait. Pourtant, sans qu’il ne s’en rende compte, le ninja progressait. Sa résistance musculaire s’améliorait, sa vitesse de rotation aussi, tout comme sa puissance. Par moment, il eut besoin de coupure, pour délaisser son avant-bras, avant de partir de plus belle. De reprendre haleine. De belles séries suivirent, puis se stoppèrent. Des moments de doutes s’installèrent, mais vite annihilés par l’envi. C’est ainsi que quatre longues heures s’étaient écoulée.
* Un dernier essai petit. Tu peux battre ton record de huit feuilles. Allé ! * proposa Boufuu
L’Hazuki hocha la tête. La fatigue accumulée paraissait futile sous la force d’esprit du yukien. Il ferma un instant les yeux, avant de les ouvrir dans la direction du Wakizashi. Cela faisait plusieurs minutes qu’il n’était pas intervenus de manières négatives. Ryo était fier. Fier de prouver sa valeur à cette âme qui avait un vécu, un vécu légendaire. Serrant de toutes ses forces le manche du katana, il leva son bras pour se mettre en position. Le poids de l’épée faisait pression avec ardeur sur son avant-bras. Tenir la lame droite en était très difficile, et on pu lire sur son visage l’accumulation d’heures de travail. Il souffla puissamment comme pour évaporer ses courbatures. Puis, sa main gauche se mit en mouvement de bas en haut, lâchant le peloton vert. Malgré l’abattement, la rotation s’avéra plus naturelle et instinctive. Un, deux, trois…Comptant dans sa tête les cibles atteintes, le Chunin se sentait plus souple et aérien au fil des taillades. Comme si chaque réussite, rendait le coup suivant plus facile à supporter. Quatre, cinq, six…l’éreintement se soumettant à ses sacrifices. Sept, huit, neuf…il ne restait plus qu’une échappée avant la ligne d’arrivée. Les dernières forces dans la bataille. Dernier mouvement, dernier effort. DIX ! Terminer sous les applaudissements. Il l’avait fait.
* Bravo.* félicita le Katana
* Eh ben, laborieux mais on y est arrivé…* complimenta à sa manière Honô
Un sourire se dessina sur le visage de Ryo, mais fut promptement estompé par les nouvelles paroles de l’épée de vent. La suite des opérations s’enchaînaient. Dans la foulée. Une bonne chose. Il n’avait pas le temps de digérer la réussite, mais, d’un autre côté cela lui évitait de constater son exténuation générale. C’était dans la continuité. Il fut demandé à l’Hazuki de créer un clone pour la deuxième étape. Aussitôt dit, aussitôt fait. Un ninja bis se tenait désormais en place. Honô l’appela avec orgueil, comme à son habitude, avant de cracher deux flammes de part et d’autre du Chunin.
* Désormais, et maintenant que tu as compris comment utiliser ton poignet à bon escient, pour l’accélération finale, nous entamons la phase entière. Le mouvement du bras est celui qui amplifie la force de frappe ; cependant, il n’est pas aisé à diriger. Effectivement, des mouvements trop tonitruants de ta part, engendreraient une perte de vitesse que ton poignet serait dans l’incapacité de compenser. Il ne faut pas oublier la chose essentielle dans ton maniement de lame, la rapidité prime sur la puissance. Ainsi, nous allons tenter d'ajouter de la puissance à ta rapidité. Cet exercice fera appel autant à ta force qu’à ta souplesse. Pour cela, il faudra que tu conçoives par toi même comment utiliser ces deux facteurs sciemment afin de réussir à renforcer ton coup sans pour autant en réduire sa vitesse.
Comme tu peux le voir, tu es bloqué sur les deux côtés par les flammes qu’Honô vient d’envoyer. Ceci ayant pour but, de t’éviter d’avoir un mouvement trop ample, qui certes t'auraient donné de la puissance, mais surtout fait perdre de la vitesse. Le clone ici, va jouer les sparring-partners. Tu devras le frapper sans te brûler. De toute façon après deux trois contacts avec les flammes, je pense que tu rectifieras inconsciemment le tir. A toi de jouer !*
A peine le discours du katana terminé, que le clone se porta vers le garçon sous les ordres d’Honô. Le jeune homme se mit en position, la lame verticalement droite, la pointe un peu penchée vers sa cible du moment. En face, la copie ne bougeait pas, en position de garde. Attendant que Ryo frappe pour le contenir. Puis, il porta sa première attaque. Enfin, il essaya. Il n’avait pas prit en compte un certain facteur. En voulant augmenter la puissance, il entraînait forcément l’apparition de nouveaux paramètres dont l’implication d’un surcroit de force à déployer pour diriger la lame dans sa trajectoire. Promptement, et alors que le brasier semblait se rapprocher, il redressa l’arme. Trop aléatoire pour donner quelques chose de réussi. Résultat : le sabre termina sa course, planté dans le sol. A revoir !
* Cette nouvelle manipulation demande un travail complet de ma chaine musculaire du bras, mais aussi du dos. Il faut donc que j’utilise au maximum la sollicitation de chacun en ayant un contrôle parfait de la stabilisation du katana. *
Faisant un instant craqué son dos, qui venait d’être tiraillé, le Chunin récupéra l’épée de vent afin de se remettre au boulot. C’est qu’il y en avait désormais. De nouveau placé correctement face au clone, il entama un nouveau mouvement. Cette fois-ci, il avait prit en compte le poids ajouté. Tenant fermement le manche, le bras contracté et solide, il leva le sabre en l’air. Trop !
« Ouch ! »
Le dos de sa main effleura l’ardent enfer incandescent, lui faisant ouvrir par réflexe, sa paume par la même occasion. Boufuu termina à nouveau sa course au sol. Cette fois-ci, le mouvement avait été trop volumineux. C’est que les zones latérales décrites n’offraient que très peu d’espace au garçon. L’écart paraissait extrêmement minime. Là en résidait toute la difficulté de l’exercice.
* A ce rythme, tu vas finir brûler au 10eme degré.* ironisa Honô
Ryo se frotta la main rapidement pour soulager la superficielle brûlure, avant d’entamer un nouvel essai. L'assaut fut lancé, les mouvements furent moins rapide mais mieux maîtrisé qu'aux essais précédents, pour preuve, le sabre resta dans l'espace voulut et dans la main du Chûnin. Mais cela restait bien trop trop lent et régulé pour vaincre un quelconque adversaire en mouvement dans un vrai duel. D’ailleurs, le clone qui se contentait simplement de contenir les frappes, n’avait même pas esquissé le moindre léger mouvement de recul. Son Wakizashi stoppa l’attaque trop facilement. Avant même que le ninja pu amorcer le moindre sourire confiant, l’épée de feu le remit en place.
* T’as réussi à frapper, mais à cette vitesse et avec cette force, estime que c’est un échec total.*
Serrant les dents pour éviter de rentrer dans le jeu d’Honô, le shinobi se remit idéalement en position. Il fixa un instant sur sa droite et sur sa gauche. Leva le bras latéralement pour estimer la marge qui s’opposait à lui, avant de se remettre droit. Il allait encore frapper. Déterminé, il compressa son étreinte sur le manche, et s’élança…allait-il améliorer sa technique ?!